mardi 31 mai 2011

JOUR 9 (Première partie)

Dernier jour à Mekhe ! Je me réveille assez tôt, il fait encore noir, Frantz aussi vient de se réveiller. On doit travailler la matinée  avant de partir. Ca fait déjà 8 jours qu’on est là, le temps passe vite ! Je me mets à écrire en attendant que les autres arrivent. Vers 8h30, il n’y a que Khadim. Il nous dit que les autres ne sont pas habitués à travailler le dimanche, ils vont venir plus tard. Frantz se met au travail avec  Khadim en attendant les autres.
Assane vient d’arriver, il me dit qu’on doit quitter avant 14h00 si on veut visiter Gorée, car il semble que le dernier bateau quitte à 16h00. Il nous suggère donc de quitter à 13h00. C’est Diagne, notre chauffeur habituel qui va nous amener à Dakar.
Les autres sont arrivés entre temps, Khadim veut que je voie un peu ces feuilles de calculs. J’ai téléchargé plusieurs documents que je dois lui donner également. Il y a peu de monde dans la cour, les autres membres de l’UGPM ne sont pas là. On doit emballer les 2 panneaux qu’on doit ramener à Paris le test, mais l’heure du repas est arrivée. C’est quelque chose de banal maintenant se mettre à manger dans un plat par terre, il y a toujours 2 options, riz poulet ou riz poisson. Notre dernier repas, c’est riz poisson. A part la première journée, on a toujours mangé avec des cuillères, les traditions se perdent…
On finit d’emballer les panneaux, on va faire nos valises. L’heure des adieux est arrivée, ont met les bagages dans la voiture, on se salue, grosses accolades, on pense bien qu’on va revenir. Les chances sont très élevées. On demande à Diagne de passer au cyber café pour dire au revoir à Abdallah. Fallou n’est pas là malheureusement. Je donne une carte à Abdallah pour qu’on garde le contact.
On quitte Mekhe à 13h30.


Assane en bleu et Diagne en vert 
On reprend la route vers Dakar, le même paysage désertique, avec des baobabs de temps en temps.  Diagne se fait arrêter à un check-point, il arrête la voiture et descend. Il doit négocier. Il doit payer la « taxe », car le flic lui a collé 2 contraventions, son rétroviseur cassé (à cause du camion) et il a mélangé les valises avec les passagers ! Quoi ! Parce qu’on a mis les panneaux sur le siège arrière.  Bref ! Diagne m’explique que le chef qui est au commissariat reçoit lui aussi une partie de la collecte quotidienne. Hm !
J’appelle Ibrahim, il a déjà quitté Gorée. Il me dit, de l’appeler après la visite à Gorée. Il doit regarder la finale de la Coupe de Champions, Barcelone-Manchester à 18h00. Il me dit arrivé là-bas, je dois demander pour Colo, c’est un guide très bien. Diagne contourne la ville de Thiès cette fois, on emprunte l’embranchement qui a causé tort, au maire de la ville, une superbe route à 4 voies éclairées. Il a été accusé d’avoir volé de l’argent du projet.  Vu que la route n’est pas très fréquentée, il y a des voleurs qui dévissent les lampadaires (électriques) pour voler les câbles. Il y a des dizaines de mâts par terre. On voit au loin, l’usine de Tata. Diagne, nous montre un lotissement sur au moins un kilomètre, où chaque terrain a une petite boite qui contient l’entrée pour le courant électrique, l’eau et le téléphone ! Tout le câblage et la tuyauterie sont sous-terrain. Je crois que les maires d’Haïti auraient beaucoup à apprendre ici. Ensuite on passe l’entrée de l’Ecole Polytechnique de Thiès avant de retomber sur la route nationale.
On était entrain de rouler quand soudain je me suis intéressé à la radio. Une capsule qui doit aider les gens à améliorer leur français. L’animatrice demande à un juriste le sens du mot rétroactivité. Le juriste le place dans un contexte légal et dit que la loi ne peut agir sur ce qui a été déjà fait. Ce qui pourrait passer pour banal apprentissage linguistique est en fait de la propagande pour le Président. Wade est à son deuxième mandat. Il a été élu en 2000 pour 7 ans et réélu pour 5 ans en 2007. Son mandat se termine en 2012, mais Il veut se présenter pour un troisième mandat  malgré que la constitution prévoie un maximum de deux mandats! Il explique sa décision sur le fait qu’il a été élu la première fois sur l’ancienne constitution, et que la constitution qui a changé la durée du mandat (de 7 à 5 ans) et limite le nombre de mandats c’est la nouvelle, donc le premier mandat ne compte pas. Vous voyez pourquoi le mot français qu’on explique c’est « rétroactivité » ?
Si c’est ca, pour être président à vie, il suffit juste de modifier un article de la constitution pour en avoir une nouvelle et appliquer la rétroactivité en déclarant que les mandats antérieurs ne comptent pas.
Après Thiès, je pique un petit somme dans la voiture. Frantz me réveille à l’entrée de Dakar, pour me montrer une rivière que je n’avais pas vue la dernière fois. Diagne prend l’autoroute qui mène au centre ville et sort au port. Il nous montre la marine française. Qu’est ce qu’ils font la encore ? Il ne le sait pas mais ils doivent partir semble-t-il ! A coté, c’est la marine sénégalaise.
Arrivé au port, Assane se gare, on a 15 min avant le bateau de 16 heures. Un vendeur vient me proposer une statuette en bois.
-          C’est combien 12 000F
-          Ahhhhhhhhh
Je pousse un cri et je pars en courant. Les gardiens éclatent  de rire, j’explique au vendeur qu’il m’a éffrayé avec son prix. Le vendeur insiste, il descend à 7000, j’en veux pas, 5000F. Non ca va. Comme je suis un « frère » il est prêt à me le donner à 2000F. Je n’ai même pas négocié ! 85% de  rabais wow ! Je lui dis que je dois aller à Gorée et peut-être après.
Je dis à Frantz d’amener les passeports. Un Haïtien à Gorée a quand même droit à certaines  considérations. En effet, le prix est 2500F au lieu de 5000 pour les « toubab ». On embarque sur le traversier, à double ponts. La traverse dure 20 min, l’ile est seulement à 3.4 km. Sur la gauche, on peut voir l’ile de Gorée, pas trop grande, 900m sur 300m. La 1ère chose qu’on voit, c’est un fort circulaire à l’extrême est de l’ile. Le bateau accoste, sur le wharf, on voit une foule compacte gardée par la Police qui attend le traversier pour retourner à Dakar. Une clôture sépare ceux qui partent de ceux qui descendent.
Arrivés au sol, un guide nous accoste, je lui ai dit que j’ai rendez-vous avec Colo. On m’a dit de demander pour Colo. Il dit que Colo n’est pas là. Je vérifie, il a raison. Il nous dit qu’il peut nous servir de guide. OK. Il commence par nous montrer Gorée. Une petite île sympa avec des maisons coloniales, piétonnière, avec certaines voies dallées.  C’est comme marché dans le temps.


Gorée fait partie du patrimoine mondial par l’UNESCO. Vu qu’on doit prendre le traversier de 18h00 on lui dit de nous amener directement à l’attraction principale : La Maison  des Esclaves !
A l’entrée de la Maison des Esclaves, on passe devant la statue qui symbolise la libération de l’esclavage offerte par la Guadeloupe en 2002.

On arrive devant, il y a plein d’élèves. Il y a une sortie scolaire, la marmaille fait du bruit, on attend qu’ils sortent avant de payer les 1500F pour rentrer. Le guide commence par nous montrer les cellules des hommes, une minuscule pièce de 2.6mx 2.6m ou on mettait 15 à 20 esclaves. Pour être vendu en Amérique, l’esclave devait peser 60 kg, s’il était trop petit, on le nourrissait pendant 3 mois, si après 3 mois il n’avait toujours pas atteint le poids nécessaire, on le vendait aux enchères comme esclave domestique. Ceux qui étaient trop faibles ou malades étaient balancés à la mer. C’est pourquoi l’eau de Gorée était infestée de requins.
Le guide récite par cœur, comme à la Citadelle. Des qu’on l’arrête pour poser une question, il est perdu et doit recommencer le « par cœur » du début.
Ensuite on passe à la cellule des femmes, toujours aussi ignoble. Il nous montre la cellule des enfants, et celle des jeunes filles qui acceptaient de se donner aux négriers pour échapper aux souffrances de l’esclavage.  En dessous de l’escalier, il y a le « trou », le cachot ou on mettait les esclaves rebels, on ne peut même pas se tenir debout, il faut rester accroupi sur le sol dans le noir et l’humidité.
Finalement, on va à la « porte du voyage sans retour ».  Mon sang bout sans arrêt, chair de poule après chair de poule. J’ai failli craquer! Ainsi c’est par la qu’ils sont passés mes ancêtres. La Porte de l’enfer !
Il y a deux choses infinies disait Einstein, l’univers et la bêtise humaine. Le guide nous dit que le Pape Jn-Paul II a demandé pardon à Gorée pour les crimes qui ont été commis au non du Christianisme. Bon c’est quand même bien que le serviteur ait demandé pardon maintenant on attend les excuses du « Big Boss » en personne.
On monte pour voir une petite salle d’exposition avec les chaines, des fusils et des photos de l’époque esclavagiste dont un navire négrier.
On quitte la Maison des Esclaves pour continuer à visiter l’ile, on emprunte les petites rues pour se rendre au point culminant de l’ile. On passe devant le lycée des jeunes filles de Gorée, un établissement scolaire où les filles les plus brillantes du pays sont choisies à la fin du primaire pour être mis en pension sur l’ile aux frais de l’Etat. L’enseignement  est de très bonne qualité : 100% de réussite aux examens du bac. Diagne confirme.
Sur le chemin, on voit des antennes qu’on est entrain de maquiller en palmier. Pour ne pas défigurer le paysage…
On arrive à un bunker construit lors de la 1ère guerre mondiale, avec 2 canons de 250 mm qui ne servent plus. Les chambres souterraines sont habitées par les habitants de l’ile. Dans une de ces caves, se trouve l’une des attractions les plus intéressantes du Sénégal : la peinture avec du sable.
L’artiste nous montre tous les types de sables qu’il utilise. Ils proviennent de plusieurs régions du Sénégal, de la mer, du désert  etc. Il y en a aussi qui proviennent des régions avoisinantes, telles la Mauritanie et même le Sahara. La technique consiste à dessiner à l’aide d’un pinceau les formes avec la colle faite avec la sève de baobab. Ensuite, il verse des pincées de sable de différentes couleurs sur la colle et retourne la plaque pour faire tomber le surplus. Le résultat est surprenant ! Il ne reste plus qu’à laisser sécher 15 min !
 Bon ! m oblije achte !

On quitte le bunker pour retourner au navire, on doit prendre le bateau de 18h00. On passe au retour devant la mosquée de Gorée. La première fois que je vois une mosquée sans minaret. Elle a été construite par les Blancs, donc ca ressemble plus à une église qu’une mosquée.
On continue jusqu’au quai, j’ai du me débarrasser d’une marchande de souvenir en utilisant les pièces de monnaies qu’il me restait ! C’est partout pareil.
Arrivé au port, je demande au guide c’est combien ? Il me dit 8000F par tête. Ah ah ah ca fait 24 000F plus de 50$US. Il est fou ! Diagne s’énerve, il l’insulte en wolof. Il lui montre du doigt, le poste de police, entre tend, il me glisse un billet de 5000F sans que le guide ne le voit. Je dis au guide ca va, voila les 5000F. Il ne veut pas les prendre, alors je fais semblant de partir, il les prend et « bourgonne » un peu ! Diagne lui dit quelque chose en wolof et nous dit de nous rendre au quai.
On n’a pas tout vu. Le temps était trop court. On ne visite pas Gorée en 2 heures
A cause de la visite scolaire, le quai est rempli. La police contrôle. Mais il y a juste un tourniquet, ca donne une petite impression de « presse » au carnaval. Il faut jouer du coude pour arriver au quai. La police nous laisse passer et arrête ceux qui sont derrière. On ne surcharge pas le bateau. Le bateau arrive, les passagers descendent et on ouvre la barrière pour nous laisser monter. Sur le bateau, je suis entrain de regarder les enfants qui  font du bruit, ces écoliers ont l’air de «kokorat».
Je dis à Daigne que je veux acheter des souvenirs. Il me dit qu’il connait un endroit en ville, on passera avant d’aller voir Ibrahim.
 

lundi 30 mai 2011

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 8

Je prends mon téléphone, il est 3h28 (heure d’Haïti), donc 8h28 au Sénégal.
Frantz leve non papa !
Aujourd’hui c’est jour de prière, il y a un imam qui chante dans un haut-parleur qui crache une espèce de  son « yen-yeeeennnnn » où chaque fin de mot, ou de phrase est étirée de 5 ou 6 secondes ! En plus la voix est nasillarde.
On doit se dépêcher, car on doit rattraper le temps perdu hier.  Frantz va sous la douche et j’en profite pour écrire quelques lignes.  Je me suis dit que c’est jour de prière aujourd’hui, donc il se peut que les gens ne viennent pas  l’UGPM aujourd’hui. Je m’étais trompé, Khadim est déjà là. Frantz va le rejoindre pour commencer à travailler.  Je dois enlever la barbe de la semaine, j’avais acheté un rasoir dans une boutique avant-hier. Pour 100 F je ne m’attendais pas à un rasoir « triple action » de Gilette, mais je ne pensais pas que j’avais acheté une pince non plus ! Tant bien que mal j’arrive à « arracher » les poils. Je sors me mettre au travail, Djibbi est là aussi. On met les panneaux dans les cadres, on commence à en souder de nouveaux. Il ne nous reste qu’aujourd’hui et la matinée de demain.  Si je veux aller voir Gorée, on doit laisser Mekhe au plus tard à 14h00.
Pendant qu’on est en train de travailler, je demande à Djibbi si cet imam ne se fatigue jamais, il est presque 11h00 et il n’a jamais arrêté. Djibbi m’explique que c’est une cassette qui récite les versets du Coran et que c’est comme ça tous les vendredis. Une chance que c’est une cassette, sinon j’aurais aimé voir à quoi ressemble cet homme.
Assane, me dit qu’il doit interviewer un ingénieur et il aimerait que je sois là aussi. J’accepte. Le type est à la station d’autobus, il a appelé pour savoir où se trouve l’UGPM. Je demande à Assane de me montrer son CV. Il a étudié à Thiès, a fait un master en France et travaille dans une PME d’énergies renouvelables, il veut retourner chez lui. Un ingénieur qui vit en France et qui prends le bus pour venir passer une interview dans une petite ville de province ! Wow. C’est comme si en Haïti un ingénieur qui travaille aux Etats-Unis, prenait le bus pour aller passer une interview à Marchand Dessalines.
Le type arrive, Assane me dit de venir le rejoindre au bureau. L’entrevue se passe en français, Assane lui explique qui je suis. Le type nous parle de son parcours et de ses expériences. La première question d’Assane c’est pourquoi il veut rentrer au Sénégal ? Le Sénégal étant actuellement victime d’une Traite des Cerveaux principalement au profit de la France et du Canada. Abdoulaye nous dit qu’il a reçu une bourse du gouvernement  pour aller étudier en France et revenir travailler au profit du Sénégal, et que ce serait malhonnête de sa part de rester en France. Si c’est ça, le tiers-monde est bourré de gens malhonnêtes...
A la fin de l’entrevue, Assane lui donne quelques projets sur lesquels Kayer travaille et lui demande de lui faire des propositions.  C’est l’heure du diner, notre ami est invité à s’asseoir autour d’un bol dans la cour. La Teranga.  Assane me demande ce que je pense de lui. Il est qualifié mais il ne semble pas trop intéressé à aller sur le  terrain, à plusieurs reprises, il a mentionné que son travail c’est de concevoir et que ce n’est pas à lui de connecter les fils. Ce qui sous-entend qu’il n’est pas prêt à aller passer 4 jours à Thiel.
A 14h00 on a rendez-vous avec Abdallah pour qu’il nous amène au marché. Ca m’étonne qu’il nous ait donné rendez-vous à l’heure de la prière.
On sort, il y a plein de sacs sur le bord de la route, je pensais que les gens les avaient laissés là pour aller prier mais en regardant de plus près, ce sont des poubelles. Il y a un service de ramassage d’ordure à  Mekhe !

On arrive chez Abdallah. Il habite dans un « lakou » moderne, les cases en paille ont été remplacées par 6 maisons. Une fille qui baragouine quelques mots de français nous indique de nous asseoir, Abdallah est allé à la mosquée et on peut l’attendre. Je lui dis qu’on va à la grande mosquée, on va revenir. Je veux prendre quelques photos des centaines de fidèles en train de se prosterner. C’est facile de trouver la mosquée, il suffit d’aller en direction du minaret. Arrive à l’ancienne gare ferroviaire, on rencontre un groupe d’hommes qui retournent chez eux, à voir leur accoutrement, ce sont surement des fidèles. Ite misa es. Pas la peine de continuer, on retourne chez Abdallah.  Il est déjà de retour, la prière dure 15 min ! Lui aussi il a mis son « ti dimanch » pour aller prier. On n’a pas beaucoup de temps, je lui dis qu’on doit faire vite.

On arrive au marché, tout est pratiquement fermé, c’est vendredi ! Il faudra revenir demain. Frantz cherche une chemise, Abdallah dit qu’il a un ami qui peut lui en coudre une. Pour rentrer plus vite, on prend une charrette.










Abdallah nous explique qu’à cause de la diaspora, le cout de la vie augmente à Mekhe. Ils ont beaucoup construit en 10 ans. Les prix des terrains sont inabordables, c’est environ 800 000 F. Pardon ! Ca ne fait même pas 2 000$ US.
On accélère la cadence, on doit faire le maximum de panneau possible. Je vais sur internet pour trouver quelques documents pour Khadim. Je discute avec Assane également concernant  le voyage de demain. Il me dit que Diagne va nous amener, c’est lui qui connait le mieux Dakar. Frantz continue à travailler avec les autres. Vers 18h00, ils rentrent chez eux, on continue à travailler jusqu'à 20h00. On rentre se laver puis on va à notre petit resto, Le St-Louisien.
Comme d’habitude ? nous demande la fille.
Comme d’habitude.
Elles sont encore là devant la télé, il y a un débat entre deux personnages cette fois. Surement une émission politique. C’était presque fini, le débat fait place à une « tele novela » indienne.
J’appelle Ibrahim, pour lui dire que ma semaine était remplie et qu’on se verra une prochaine fois. Il m’avait dit qu’il partait le lendemain. Je lui ai dit qu’on sera à Dakar demain car on doit aller à Gorée, il me dit que lui aussi il doit s’y rendre. En fait, il part dimanche matin à 8h00 un peu après nous. Donc c’est possible de se rencontrer demain soir à Dakar. Il me dit de l’appeler demain.
Entre temps on nous amène notre poulet. On finit de manger et on s’en va.
Elle nous lance un "à demain" inch Allah.
Non, pas demain. Demain on part.
Quand vous allez revenir alors ?
Surement.
On passe au cyber café, Fallou est là cette fois-ci. Il était parti à l’école. Abdallah a amené la chemise de Frantz, une espèce de « robe à carreaux » ha ha ha ! Fait sur mesure donc, li pa ka pa  pran’l. On prend quelques photos avec nos amis du cyber. On leur promet de passer avant de partir et on rentre, demain on a une demie journée pour travailler.

vendredi 27 mai 2011

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 7

Je me suis réveillé à 7h00, je me suis mis à écrire, Frantz dort encore. Par chance, le WIFI fonctionne, ma carte de crédit (USA) à des problèmes à ce qu’il parrait. J’appelle au numéro par skype, le type me dit que je ne peux acheter pour plus d’argent que ma limite sinon, la carte sera bloquée. Evelyne est en ligne également, avec Papijo, je leur parle un peu. Ils sont contents du blog.  Assane arrive et me dit qu’il attend des visiteurs et qu’après on ira voir une installation qui donne des problèmes.
Deux types rentrent dans le bureau, ils viennent de Dakar. Le directeur Asour et un de ses employés Aidara, beaucoup plus jeune. Assane veut que j’assiste à la rencontre, le directeur parle en français, ils ont une boite à Dakar et ils veulent des installateurs pour travailler en collaboration avec eux. Ils veulent travailler avec Kayer car c’est un des lauréats 2010 du concours SEED. Je ne pas sûr, mais il me semble qu’on a participé à ce concours. Si nous sommes en train de former leur lauréat, alors… ! Le directeur dit qu’il dispose d’une équipe technique capable de les aider dans l’étude des projets. J’écoute sans rien dire.
Une fois la conversation terminée, Khadim prend ses outils et les mettent dans la voiture du directeur. Frantz va rester avec les autres pour continuer le travail, il est allé à la pharmacie pour acheter des médicaments contre la grippe. Vers 10h40, les 5 ont embarqué dans la voiture, une Mitsubishi Pajero (pour nous c’est Montero), et on prend la route vers St-Louis (direction opposée à Dakar). Ca va me permettre de voir une autre partie du Sénégal. A la sortie de Mekhe, il y a un terrain avec des milliers de sac de plastiques, je ne peux pas dire que c’est une décharge publique car il n’y pas d’autres types de déchets. La route est un peu gondolante sur quelques kilomètres, ce qui oblige Asour à réduire la vitesse. Sinon, on roule entre 120 et 150 km/h.
Arrive à Kevemer, on quitte la nationale, on tourne à droite. Kevemer, c’est la ville natale du Président Wade, je pensais que la ville allait bénéficier de plus d’investissements que les autres, apparemment non. Aidara me le confirme. Il n’a rien fait. On quitte Kevemer pour tomber sur une autre route nationale, moins fréquentée. Ici, pas de gros bus, un peu plus de charrette et le transport est assurée par des bus de taille moyenne et des « rache pwèl ». Il y a même des types qui « pran seso ».
La route est toujours en bonne état, on roule toujours à la même vitesse. Je prends des photos avec mon téléphone car j’ai oublié la caméra. Je ne peux demander au type d’arrêter pour prendre les photos sinon, on n’arriverait jamais. Les images sont quand même assez bonnes. Chapeau Blackberry ! Je note un truc assez intéressant : les charrettes suivent la route nationale, sur une voie de service parallèle.
Khadim sort un livret, lorsqu’il a terminé je lui demande s’il était entrain de prier, il me dit que oui. Ah bon! Il me semble que le Coran définit clairement le rituel de la prière, être propre, pied nus, tapis au sol, en se prosternant, orientée vers la Mecque. Je me demande d’où vient l’option prier dans une voiture à 120 km/h. Le Coran n’avait pas prévu la technologie. Si c’est comme ça, bientôt ils pourront envoyer leurs prières par Blackberry ou Iphone hi hi hi !
On arrive dans une ville qui ressemble étrangement à Anse-Rouge, la ville sans la saline qui la précède. En fait, je dirais plutôt Anse-Rouge avec un peu de progrès. Il y a toujours l’aspect dégagé comme je l’ai déjà dit et le réseau électrique, je ne sais pas s’il fonctionne mais il existe. Il y a aussi plus d’activité économique, dans cette petite ville également, les charrettes côtoient les voitures. Finalement, la nationale goudronnée donne un autre aspect à la ville. Les rues secondaires sont en terre mais larges, très larges.

On continue vers la ville sainte de Touba. Le paysage est désertique et poussiéreux. L’asphalte noir contraste tellement avec le sol ocre. Le pays est plat, je n’ai pas vu une montagne jusqu’à présent. Je vois des troupeaux de moutons et de chèvres, de rares arbres. On arrive à Touba, Assane me dit que beaucoup de gens viennent en pèlerinage ici. Toujours un Anse-Rouge modernisée, encore plus que l’autre ville. Il y a même des taxis clairement identifiés avec leur enseigne sur le toit. On s’arrête pour acheter de l’eau, on entend une sirène de police, on voit une moto style « Chips » qui nous dit de nous mettre de côté, il y a un officiel qui arrive surement. (Sweet Micky a remis la pratique en marche). Je vois trois Mercédès Benz classe S qui suivent la moto. A l’avant de la première, il y a un vieux à côté du chauffeur. C’est qui ? Je demande. C’est le grand Marabout de Touba! En plus d’avoir accès privilégié au Ciel, on profite des plaisirs de la terre en se baladant avec 3 voitures de 200 000$ chacune et sécurité policière. Un des cinq piliers de l’Islam c’est l’aumône… donc on donne de l’argent pour que le « boss » roule en voiture de luxe. Drôle d’aumône.

On passe devant la Grande Mosquée de Touba. Une immense mosquée qui s’étale sur au moins deux hectares, avec la cour en marbre jusqu’au trottoir! Se wololoy l’aumône ! Il y a bien 30 mètres entre la clôture et le bâtiment. Les 2 tours secondaires qui encadrent le minaret sont également en marbre. La voiture ne s’arrête pas mais je peux voir le luxe qui se dégage du bâtiment. Un vendredi ici avec des milliers de fidèles en train de se prosterner doit être assez impressionnant. Demain si possible on ira faire un tour à la mosquée de Mekhe.
On quitte Touba pour Thaif. Dernière « ville » avant Thiel, ensuite il n’y aura plus de route goudronnée, il faudra emprunter la piste. Thaif ressemble un peu à la Croix-des-Bouquets, c’est un peu plus coincé avec des marchandes et des commerces informels en tôle. A 1h00 on arrive à la fin de la route, on doit emprunter la piste. Khadim nous dit qu’il reste encore 100 km ! Je pensais que c’était le village à côté ! Au début, la terre est rouge, un peu comme pour se rendre à Dori, en passant par Cavaillon. (OK, OK nou pa konn wout sa a). Heureusement la piste n’est pas trop défoncée, par endroit il arrive même à faire du 100 km/h. On est obligé de mettre nos ceintures, car des fois Assoul rentre dans les crevasses et la voiture « matte » carrément ! En saison de pluie, ça doit être infernal conduire ici. C’est l’Afrique profonde, avec les lakous avec plusieurs cases en paille, il ne manque que les animaux sauvages et les chasseurs tribaux avec la lance. C’est l’idée préconçue que nous nous faisons à cause de la télé. Les villages sont plus sales et plus pauvres, les gens vont chercher de l’eau dans des puits avec des barils montés sur des charrettes. Les sachets de plastique n’aident pas non plus ! Les gens ici sont des éleveurs, on rencontre des troupeaux de bœufs, de chèvres, de moutons sur toute la route. Assane me dit que les animaux mangent l’herbe, pourtant elle est tellement jaunâtre.
Khadim semble connaitre le chemin, il dit à Asour quelle embranchement prendre. On peut se perdre facilement dans la brousse. Un peu comme dans la saline à Anse-Rouge. J’ai atterri à Pointes des Mangues une fois.
On arrive enfin à Thiel, il est 14h30 une chance que la Pajero était confortable. Thiel est un petit village pauvre, et sale. Surtout à cause des sachets de plastique. On va au centre communautaire, pour voir l’installation. Il y un bureau avec des tonnes de paperasse, je vois un cahier « quinze » où c’est marqué « registre de l’état civil ». Il y a un ordinateur portable et une imprimante et une connexion internet avec le téléphone fixe. On doit aller voir l’installation qui ne fonctionne pas. La radio communautaire ne peut pas marcher 4h00 par jour. C’est un problème de câblage, les fils sont sous-dimensionnés. On fait des tests avec la radio, ça ne tient pas parce que les batteries ne sont pas assez chargées. Le chef du village veut avoir une salle informatique, il a déjà les ordinateurs. Assane traduit, il veut savoir s’il peut mettre les ordinateurs sur le système solaire.
« Oh ! »
Tout le monde part à rire, ils ont tous compris ! Ca ne suffit même pas pour la radio et il veut rajouter 7 ordinateurs.
Mon impression sur la langue française se confirme, le chef du village est né sur la colonisation et il arrive à me parler en français, sont français est « lent » mais correcte. On prend quelques photos de groupe et on quitte Thiel à 16h20.
On repasse à travers l’Afrique profonde pour finalement arriver à Thiaf vers 18h00. On s’est perdu quelques fois, on dû demander aux villageois. On ne rentre pas dans la ville, mais à partir des minarets, je peux voir qu’elle n’est pas petite. On s’arrête pour mettre de l’essence et Adiara prends le volant.
On s’arrête à Touba, Assane veut nous montrer une installation qu’ils ont faite dans un centre de santé. Au Sénégal, il semble qu’on ne vole pas les panneaux solaires ! Aucune sécurisation, ni à Touba ni à Thiel. Le centre de santé est dans un piètre état, même chose qu’en Haïti. Sur un banc, une dame est assise avec son bébé en attendant de voir un médecin surement. Toutes les pièces donnent sur la cour centrale, chaque porte à un écriteau qui identifie la salle. On va voir le système, un réfrigérateur pour conserver les médicaments. Tout fonctionne de puis 3 ans. Je regarde une affiche à propos du ver de Guinée ! Wouch !
On est dans la même ville que la magistrale mosquée, et le centre de santé est dans un tel état ! On préfère panser les âmes plutôt que de panser les corps. En tout cas…
Sur la route qui mène à Mekhe, je ne peux m’empêcher de faire des comparaisons. En 300 km de route plus les 120 km qui séparent Dakar de Mekhe, je n’ai pas croise une seule rivière, même sèche. Et pourtant les Sénégalais ont de l’eau courante. D’ailleurs les châteaux d’eau sont visibles partout, ils ont tous la même forme : un cône inverse supporte par de colonnes à 20 mètres du sol.
Je peux voir que la décentralisation fait son chemin au Sénégal, il y a plein de bâtiments publics flambants neufs qui sont des annexes des différents ministères. Je n’ai pas vu de vieux bâtiments coloniaux abritant les services publics. Je n’ai vu que 4 panneaux de coopération internationale : AFD, USAid, Jica (Japon) et une ONG espagnole.
A 20h30 on est de retour à Mekhe, Asour et Aidara doivent continuer jusqu'à Dakar eux. On vient de faire 300 km un aller-retour en 10h ! Y compris le stop à Thiel. Même si les dirigeants sénégalais ont volé comme c’est souvent le cas dans la plupart des pays africains, au moins ils ont laissé un minimum…
Eau, route et électricité.
Je viens de réaliser que je n’ai rien mange depuis ce matin, et je pourrais encore tenir. Assane nous dit d’aller le rejoindre au restaurant, il va prendre sa moto. Bon, on est des habitués maintenant, la fille devine qu’on va prendre du poulet. Khadim est venu nous rejoindre également. Après le repas, on passe saluer Abdallah au cyber café, on ne reste pas trop, je dois rédiger le récit de la journée avant d’aller me coucher.

jeudi 26 mai 2011

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 6

Il n’est même pas encore 6h00 je suis déjà réveillé. Il fait encore noir, J’en profite pour écrire quelques lignes pendant que Frantz dort encore. Vers 8h00 je le réveille, on n’a plus de savon, il sort en acheter. On sort pour aller déjeuner, il y a un petit commerce juste en face avec des logos de « Tigo » un operateur de téléphonie mobile. On me demande si je veux du café sénégalais ou du Nescafe!  Misye gen lè konprann se Chicago nou ye la… ! Le café qu’on nous sert a un autre goût, je demande au type qu’est ce qu’il a rajouté dedans, il sourit et me dit qu’il ne connait pas le non en français. Par chance, dans le fond de ma tasse il y a un clou de girofle ! C’est donc ça le goût bizarre.
On retourne à l’UGPM, Serigne et Mohamed sont déjà là. On va terminer le panneau qu’on avait commencé hier. Entre temps je demande à Khadim de régler le problème du fer. Ils ont rendez-vous avec un type qui répare des radios, il dit qu’on peut trouver ça à Mekhe.
Lors de la connexion finale, on remarque qu’une des rangées est mal positionnée ! Kèt. Il faudra donc perdre une cellule pou pouvoir faire la connexion convenablement. On va ensuite au soleil pour tester le panneau, 3.1 A, il est à peine 9h00 du matin. Ensuite, aidé de Serigne, je mets le cadre dans le panneau, vu le changement au niveau des angles, il y a des ajustements à faire pour que la vitre tombe exactement dans le cadre. Le panneau est quasiment fini, il ne reste que la boite de jonction, Assane est content de voir le résultat du travail.
Khadim revient avec des fers à souder et de l’étain. C’est mieux que ce qu’on a acheté avant-hier. On va pouvoir aller un peu plus vite. Frantz se met à souder avec et Khadim et Mohamed, et je commence à préparer un autre cadre avec Seringne. On prend soin de ne pas commettre les mêmes erreurs afin d’éviter les ajustements de dernières minutes.
Assane vient me dire qu’Emmanuel Beau est en ligne sur skype, c’est le responsable de la Sidi. Il me demande de mes nouvelles. Ici ça va, je ne suis pas un « toubab » comme lui, c'est-à-dire étranger. Je lui dis qu’on est en retard sur le programme, mais je vais m’assurer que les techniciens de Kayer maîtrisent la production de panneau. Je demande à Assane de vérifier avec la Royal Air Maroc que nous pourrons bien amener les panneaux avec nous à Paris. Pas question de les mettre dans la soute à bagages.  J’en profite pour me connecter sur internet pour envoyer quelques emails et des photos. J’ai dû me connecter à l’aide d’un câble, le « wireless » ne fonctionne pas avec mon ordinateur aujourd’hui, pourtant hier ca marchait ! Ceux qui voulaient avoir de mes nouvelles savent maintenant ce qu’est le Sénégal.
Ma cousine, Géraldine m’a envoyé un email pour me dit qu’elle viendra nous rejoindre à Paris pour la semaine.  Jukann n’aura toujours pas son DVD, je les avais déjà avertis.  La connexion internet est assez lente mais j’envoie quand même quelques photos pour le blog. Je retourne travailler à l’atelier, je fais un autre gabarit. Les types de Kayer progressent et je vois les aptitudes de chacun et je vais leur assigner des tâches spécifiques.  Frantz continue avec eux pendant que je vais travailler avec Assane. Demain on doit aller visiter une installation solaire dans un village.
Il est 21h00 quand Assane nous quitte pour rentrer chez lui. Frantz et moi sortons pour aller manger, on passe voir nos amis au cyber café. Fallou n’est pas là. J’ai quelques photos à envoyer, je ferai ça après le repas. La rue est toujours aussi animée. Pas de musique par contre, en Haïti avec autant d’électricité, on aurait entendu de la musique ! On retourne dans le 1er restaurant où on avait mangé. On est encore les seuls clients, on commande la même chose.  Les filles du restaurant sont devant une télé comme en Haïti, et suivent une « tele novela », la grande différence c’est que c’est un feuilleton sénégalais. Ils prennent le temps de produire ici.  En Haïti, la loi sur l’audiovisuel exige un quota minimum pour les productions haïtiennes, mais avec les dirigeant dyol bokyè que nous avons, les télés ne font que de la promotion de la culture américaine. Frantz qui sent qu’il veut attraper une grippe n’a rien bu, il ne veut pas boire de boisson glacée, par contre la facture a augmentée de 250 F. En sortant on se fait accoster par un gamin qui nous demande de l’argent. Mendiant #2. Je retourne envoyer les photos au cyber café. Le blog est « online » ! On prend congé de notre ami Abdallah et on rentre à la base.

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 5

Première vraie journée de travail. Assane cogne à la porte, vers 9h30. Les techniciens sont déjà là à nous attendre. Le temps de se préparer et on va les rejoindre.
On commence par leur expliquer la différence entre chaque type de cellules.  Je prépare les gabarits que nous allons utiliser avant de commencer à souder les cellules.
On explique un peu le processus puis je leur demande de nous regarder faire avant d’essayer. Problèmes ! On s’est fait avoir par les Chinois : les fers à souder marchent très mal, et l’étain fond à peine. Ca ressemble plus à une pâte qu’à un liquide. Tant bien que mal, Frantz arrive à souder quelques cellules, mais ça augure très mal ! Je demande si il n’y a personne qui répare les TV à Mekhe. Si, si il y en a. Alors il faut aller leur demander des fers à souder et de l’étain. Ils disent qu’ils iront plus tard. Avec un fer et 3 apprentis, on est à peine arrivé à souder quelques cellules.
C’est l’heure de manger. Toujours en communauté, les bols remplis de bouffes sont au milieu des tapis dans la cour ! On mange avec des cuillères cette fois.
Après la bouffe, on continue la formation. On doit aussi faire le cadre. Dans mes courriels, j’avais demande à Assane si on allait pouvoir trouver une machine pour couper l’aluminium. Il m’avait dit que oui. La scie qu’ils ont, est pour couper le bois ! Pas de lame pour le métal non plus. On doit couper à la main. Avec la précision qui vient avec. Notre 1er cadre, ne marche pas du tout, la coupe manuelle est trop imprécise pour les angles à 45 degrés. On decide d’y aller à angle droit en faisant des entailles. Ca va beaucoup mieux.
Entre temps, Frantz et Hadhim ont fini de souder le panneau. Ils vont le tester au soleil, avant de l’encapsuler.
Il est 18h00 passé, on arrête jusqu'à demain. Assane trouve que la cadence est lente. Il a raison mais on n’a qu’un seul fer à souder et il me manque des gens. Il me faudrait au moins 3 autres types et 3 autres fers à souder sinon je vois mal comment on peut faire 15-20 panneaux. Il ne semble pas être conscient du problème de l’étain et des fers à souder. Je vais assigner des tâches spécifiques à chacun d’entre eux, et on pourra finir pour samedi. Il ne faut pas oublier le type du plastique. Il nous en faut également.
Sans fer, impossible d’accélérer la cadence. Même si il m’amène 3 autres types.
On va s’asseoir dans son bureau, on échange quelques informations avant de discuter d’un projet spécifique qu’ils ont : 250 lampadaires pour un village. Ils ont soumis une proposition et ils attendent le financement.
Le soleil est déjà couche, il doit rentrer chez lui. On continuera demain.
Frantz m’attendais dans la chambre, on sort pour aller manger. On rencontre nos 2 copains au cyber café.  Fallou dit qu’il va nous montrer un restaurant, une Guinéenne qui vend des sandwiches. Il y a une télé qui montre la lutte sénégalaise, Fallou nous explique que c’est très populaire actuellement au Sénégal. La règle consiste à  mettre l’adversaire au sol ou les 2 mains et les 2 genoux à terre. Il n’y a qu’un seul round les combats sont donc assez courts ! Avant de monter sur le ring, chaque lutteur effectue une danse avec son staff, une espèce de danse guerrière avec des cris. On m’avait conseillé d’avoir la lutte mais je ne crois pas que j’aurai le temps. Je ne suis pas en vacances ici.

On fini de manger et on retourne au cyber café. Fallou doit rentrer chez lui, il nous laisse avec Abdallah. On est debout devant le cyber café, une fille en jeans moulant passe devant nous. Frantz dit qu’il ne croit pas que les filles qui s’habillent ainsi respectent les prescrits du Coran. Sa yo gen pou vann kan mem ! Lòt ak gwo wòb OK, men pa sa'a. On demande à Abdallah, de nous éclairer sur le sujet, il nous dit que les apparences sont souvent trompeuses, dans les deux sens ! Il dit que c’est l’influence occidentale, les jeunes filles suivent ce qu’elles voient à la télé. Et que la culture sénégalaise est en train de disparaitre. Je vérifie bien que celui qui dit ça a son pantalon anba mounda !
Il est plus de 23h00, on quitte notre ami et on rentre se coucher. La rue est pleine d’animation, les gens dorment tard à Mekhe.

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 4

On se réveille vers 7h30, Frantz me dit que la nuit n’a pas été facile. Il était « gonflé » diarrhée et vomissement. Je n’ai rien su. Moi aussi j’ai dû évacuer quelques éléments indésirables de mon intestin. C’est surement l’excès d’huile. Les Sénégalais cuisinent avec beaucoup d’huile. Asssane vient nous réveiller, les techniciens qu’on doit former sont déjà là. Je prends une douche rapidement et je sors. Assane nous présente les 4 techniciens qu’on doit former : Khadim, Djibbi, Seringne et un stagiaire Mohamed.
Je demande à Assane d’appeler à l’aéroport pour la valise de Frantz. On lui dit que oui, elle est là. On doit donc aller la récupérer à Dakar. De toute façon, on ne peut travailler sans la valise. En plus, on a le reste du matériel à acheter.  Assane doit s’occuper du voyage à Dakar et, entre temps, comme les gens de Kayer ont deux panneaux qui ne fonctionnent pas, on va les vérifier. Ce sont des panneaux de 165 Watts. Je teste les panneaux, des gamins leur ont lance des pierres. Les panneaux ne sont pas complètement finis, ils fonctionnent à 60%. Je leur dit que ça peut servir quand même.
Assane arrive avec Diagne, celui qui était allé nous chercher à l’aéroport. Haddim va venir à Dakar avec nous également. Vers 11h00, on quitte Mekhe pour Dakar. Je vais enfin pouvoir voir le paysage de plus près, jusqu'à présent, je n’ai vu que le petit village où nous sommes. Sur la route on croise une horde de vautour en train de manger la carcasse d’un bœuf, probablement heurté par une voiture. La route est bordée de champs des 2 côtés, mais le sol est toujours sablonneux ou même sec. Les paysans arrivent quand même à planter. Je leur tire mon chapeau ! Je vois même des champs de manguiers. Une variété qu’on n’a pas chez nous. Les marchandes en vendent tout le long de la route.
Il y a plein de check-points sur la route, c’était aussi le cas lors de notre arrivée. A un check-point, les gendarmes (à part l’uniforme, je ne vois pas de différence entre la gendarmerie et la police) ont fait signe à un bus d’arrêter, les marchandes de mangues se lèvent aussitôt pour aller proposer des mangues aux passagers. Une scène assez familière…
On arrive à Thiès, la deuxième ville du Sénégal. L’entrée de Thiès, ressemble beaucoup à celle des Gonaïves, avec le commerce informel, des mécaniciens sur un sol désertique et poussiéreux. Diagne m’explique que le maire de la ville, qui fut 1er ministre est à couteau tiré avec le Président Wade. J’avais lu quelque chose à ce sujet, il avait été accusé de corruption mais il a été blanchi. C’est lui qui a changé l’image de la ville : les routes sont goudronnées, les places du centre-ville ont été réhabilitées et il a redynamisé la vie économique, Dakar étant trop peuplé. Tata Motors a meme ouvert une usine d'assenmblage à Thiès ! Ca lui donne une certaine popularité alors pour torpiller son travail, la Senelec impose des coupures à Thiès de 15 à 20 heures par jour ! La Senelec c’est la compagnie nationale d’électricité, le ministre de l’énergie c’est le fils du Président…
Je fais une remarque sur les check-points, et je dis qu’avec autant de check-points, la police fait forcement son travail ! Diagne éclate de rire. En fait, les check-points c’est aussi un système de racket ! En fait, on t’arrête même si tous tes papiers sont en règle. Le mot de passe c’est 1 000 F. Avec ça, ils doivent bien doubler ou même tripler leur salaire. Pour aller de Dakar à St-Louis, il faut compter au moins 10 000 F surtout les bus et les camions ! Bon, ça doit quand même avoir un effet dissuasif…
On continue vers Dakar, on passe de village en village. Il y a des constructions sur toute la route. Plus on avance vers Dakar, plus la circulation automobile devient dense.
On arrive dans la ville, elle est moins attrayante que ce que j'ai vu l’autre nuit. Trop de monde. Il y a plein de petits commerces informels, des marchands ambulants qui proposent des cartes de téléphones, des journaux, des « pistaches », des fruits etc. Une affiche attire mon attention, on vend une petite voiture japonaise à 7 400 000 F. Je me rappelle que quand on a demandé d’afficher les prix en gourdes en Haiti, certains trouvaient que c’était ridicule d’afficher le prix d’une voiture à 2 000 000 de gourdes. Les prix ici sont en franc, je n’entends jamais parler ni d'euro, ni de dollars.
Leur réseau routier est en bien meilleur état que le notre. On voit d’ailleurs beaucoup moins de 4x4. On retourne à l’aéroport pour récupérer la valise. On ne laisse pas rentrer Assane et Hadhim. J’avais pris le soin d’amener nos passeports. Je rentre avec Frantz, assez vite fait. On prend la valise, vérification à la douane et on part. Assane a des courses à faire dans le coin de l’aéroport, on l’attend. Ensuite on file en ville, il faut trouver l’aluminium. On prend l’autoroute direction centre-ville.
Le centre-ville ressemble un peu à celui de Port-au-Prince. Ca circule mieux par contre. Il y a beaucoup de taxis, peu de motos et des autobus. Mélange de commerce formel et informel. Le « made in China » est partout. Il y a beaucoup de marchands de vêtements, des vêtements plus sexys qu’islamiques! Je ne savais pas que les Sénégalaises avaient les cheveux aussi longs ha! ha! ha!
On s’arrête dans un magasin d’aluminium, on a de la chance, il y a ce qu’il faut, je fais un calcul rapide pour savoir combien de barres acheter. Diagne a une petite voiture, on doit donc couper l’aluminium sur place.  Je donne les dimensions, le type revient avec une scie à métaux ! Je m’attendais plus à un « mitter saw ». Bon, il faut dire que le « temps » ne doit pas coûter si cher au Sénégal. Après une demie heure, on met les morceaux d’aluminium dans le coffre, on a eu le temps d’acheter la silicone, il nous faut des fers à souder, de l’étain etc.
On passe dans une zone bourrée de quincailleries, on dit à Diagne d’aller se garer, on va marcher. Grosse impression de déjà vu, les magasins dans ce quartier là sont tenus pour la plupart par des Sénégalais d’origine libanaise ou syrienne. On discute avec le type derrière le comptoir, assez sympa, il nous dit qu’il est de la 3ème génération et qu’il n’a jamais mis les pieds au Liban. Ces enfants sont nés au Sénégal. Hm ! Combien d’arabes de la 4ème génération sont haïtiens ?  Il nous dit que la vie est devenue chère, le litre d’essence coute 800 F ! Avec 45 000 F il ne remplit pas sa voiture… (450 F pour 1$US).

Lorsqu’on retourne à la voiture, Diagne a sorti son tapis, il est sur le trottoir en train de prier. On voit ça couramment ici, les gens prient n’ importe où. J’en ai vu à l’aéroport, dans les magasins, sur les trottoirs…









Ce centre-ville va connaitre le même sort que celui de Port-au-Prince. Le commerce informel a déjà envahi plusieurs trottoirs. Dans certaines rues, la 2ème vague est déjà là, ils s’installent sur le bitume et comme on ne leur dit rien, il y aura une 3ème puis une 4ème vague jusqu'à ce que la rue soit complètement bloquée.
On a du mal à trouver de l’étain, on n’a trouvé qu’un seul rouleau. Je leur dit qu’au centre-ville il doit surement avoir un quartier où l’on répare des TV et des radios, ces types là nous diront où trouver de l’étain. Ils disent que ça doit exister mais ils ne savent pas où en trouver. Il nous faut aussi du plastique pour le dos des panneaux. On continue à chercher, on va près du port, on roule, roule dans le quartier du plateau, on arpente le centre-ville, on trouve un autre rouleau dans l’informel. Toujours pas suffisant. Frantz arrête une marchande de thé, il lui donne 100 F, la fille lui tend un verre.
« Ooooohhhh epa li pa lave’l »!
En effet tout le monde boit dans les mêmes verres ! Je décline poliment l’offre de la marchande. C’est vrai qu’on a une assurance maladie mais quand même… Je préfère acheter un kilo de mandarine ! On trouve le plastique qu’il nous faut, pas la bonne couleur, marron ou… rose ! Pour ne pas être bloque et démarrer la formation, on prend quelques aunes de marron. Je dis de demander au type s’il peut nous trouver la couleur bleu marine. Il dit que c’est possible. Assane note son numero de téléphone. On l’appellera demain.
Il est plus de 19h00 et on n’a rien mangé depuis ce matin.  On est dans le même état les 5, il faut manger quelque chose, sinon on va tomber. Frantz a tellement faim qu’il a mal à la tête, il rentre dans une pharmacie et achète un boite de comprimés ! Nèg la grangou, li pa bwè dlo epi lap pran grenn pou mal tèt.  On s’arrête dans un fast food libanais au centre-ville. On prend du poulet les 5, bon ce n’est pas de la fine cuisine, mais j’ai faim. Frantz dit que le poulet qu’il mange n’a pas de « p », ni de « o » ni de « u »…
A 20h30, on quitte Dakar pour retourner a Mekhe. Petit embouteillage pour sortir de la ville, avec coupure de courant ! Je demande pourquoi il y a les coupures si les gens paient. Eh bien il semble que l’argent de la Senelec est utilisé à d’autres fins, un peu comme la TELECO sur Aristide ! Des projets moins chimeriques mais… D’ailleurs la nouvelle qui fait la une ces jours-ci c’est qu’un opposant politique a reçu du gouvernement 30 000 000 F par mois pendant 10 ans. Ca fait 65 000 $US par mois ! Voilà où va l’argent de la Senelec.
Et les routes ? Selon mes hôtes, quand ça coûte 1 milliard de dollars, Wade en déclare 3. Le Président ne semble pas être très apprécié par la population. D’ailleurs en venant, j’ai vu un vendeur de journaux : « Wade est pire que Gbagbo » titrait le quotidien en manchette.
A la sortie de Dakar, après Rufique je me suis endormi.
Je me réveille avec un bruit d’enfer !

BBBOOOOWWWWWWWWWWW !!!!!!

M'pantan !

La voiture est entrain de bouger ! Je me rends compte que je suis seul dans la voiture ! Un camion vient de nous rentrer dedans. Je sors de la voiture, il fait froid ! On est en dessous de 20 degrés c’est sûr ! Qu’est-ce ce qui se passe ?
Frantz m’explique qu'on est à un check-point. Le permis de Diagne est expiré, il a offert 2 000 F, le policier dit que ce n’est pas assez. Le camion à qui on a fait signe d’arrêter est rentré dans la voiture d’Assane! Grosse engueulade en wolof, Diagne, Hadhim et Assane d’un côté, les 2 flics, le chauffeur et son passager, de l’autre. Assane est vraiment furieux ! Finalement, on pousse la voiture de Diagne pour la dégager. Le choc a éclaté le pneu avant droit. Le chauffeur du camion paie « la taxe » et un des flics est retourné dans la voiture. L’autre continue ses « vérifications ».
Il fait tellement froid qu’on prend des vêtements dans la valise pour ne pas geler. On est quand meme à la fin mai ! On change le pneu, on n’est pas loin de Mekhe me dit-on. On traverse un autre petit village, là aussi il y a du courant et les rues sont éclairées. Si l’essence coûte si cher, comment arrivent-ils à avoir le courant dans ces petits villages? Même si les gens paient les taxes, ces villages ne sont pas riches, il n’y a pas d’industrie. J’espère trouver la réponse avant de partir.
On arrive à l’UGPM en 15 min.
Grosse journée ! On va enfin pouvoir commencer la formation demain.