vendredi 27 mai 2011

ENERSA WAKA WAKA: JOUR 7

Je me suis réveillé à 7h00, je me suis mis à écrire, Frantz dort encore. Par chance, le WIFI fonctionne, ma carte de crédit (USA) à des problèmes à ce qu’il parrait. J’appelle au numéro par skype, le type me dit que je ne peux acheter pour plus d’argent que ma limite sinon, la carte sera bloquée. Evelyne est en ligne également, avec Papijo, je leur parle un peu. Ils sont contents du blog.  Assane arrive et me dit qu’il attend des visiteurs et qu’après on ira voir une installation qui donne des problèmes.
Deux types rentrent dans le bureau, ils viennent de Dakar. Le directeur Asour et un de ses employés Aidara, beaucoup plus jeune. Assane veut que j’assiste à la rencontre, le directeur parle en français, ils ont une boite à Dakar et ils veulent des installateurs pour travailler en collaboration avec eux. Ils veulent travailler avec Kayer car c’est un des lauréats 2010 du concours SEED. Je ne pas sûr, mais il me semble qu’on a participé à ce concours. Si nous sommes en train de former leur lauréat, alors… ! Le directeur dit qu’il dispose d’une équipe technique capable de les aider dans l’étude des projets. J’écoute sans rien dire.
Une fois la conversation terminée, Khadim prend ses outils et les mettent dans la voiture du directeur. Frantz va rester avec les autres pour continuer le travail, il est allé à la pharmacie pour acheter des médicaments contre la grippe. Vers 10h40, les 5 ont embarqué dans la voiture, une Mitsubishi Pajero (pour nous c’est Montero), et on prend la route vers St-Louis (direction opposée à Dakar). Ca va me permettre de voir une autre partie du Sénégal. A la sortie de Mekhe, il y a un terrain avec des milliers de sac de plastiques, je ne peux pas dire que c’est une décharge publique car il n’y pas d’autres types de déchets. La route est un peu gondolante sur quelques kilomètres, ce qui oblige Asour à réduire la vitesse. Sinon, on roule entre 120 et 150 km/h.
Arrive à Kevemer, on quitte la nationale, on tourne à droite. Kevemer, c’est la ville natale du Président Wade, je pensais que la ville allait bénéficier de plus d’investissements que les autres, apparemment non. Aidara me le confirme. Il n’a rien fait. On quitte Kevemer pour tomber sur une autre route nationale, moins fréquentée. Ici, pas de gros bus, un peu plus de charrette et le transport est assurée par des bus de taille moyenne et des « rache pwèl ». Il y a même des types qui « pran seso ».
La route est toujours en bonne état, on roule toujours à la même vitesse. Je prends des photos avec mon téléphone car j’ai oublié la caméra. Je ne peux demander au type d’arrêter pour prendre les photos sinon, on n’arriverait jamais. Les images sont quand même assez bonnes. Chapeau Blackberry ! Je note un truc assez intéressant : les charrettes suivent la route nationale, sur une voie de service parallèle.
Khadim sort un livret, lorsqu’il a terminé je lui demande s’il était entrain de prier, il me dit que oui. Ah bon! Il me semble que le Coran définit clairement le rituel de la prière, être propre, pied nus, tapis au sol, en se prosternant, orientée vers la Mecque. Je me demande d’où vient l’option prier dans une voiture à 120 km/h. Le Coran n’avait pas prévu la technologie. Si c’est comme ça, bientôt ils pourront envoyer leurs prières par Blackberry ou Iphone hi hi hi !
On arrive dans une ville qui ressemble étrangement à Anse-Rouge, la ville sans la saline qui la précède. En fait, je dirais plutôt Anse-Rouge avec un peu de progrès. Il y a toujours l’aspect dégagé comme je l’ai déjà dit et le réseau électrique, je ne sais pas s’il fonctionne mais il existe. Il y a aussi plus d’activité économique, dans cette petite ville également, les charrettes côtoient les voitures. Finalement, la nationale goudronnée donne un autre aspect à la ville. Les rues secondaires sont en terre mais larges, très larges.

On continue vers la ville sainte de Touba. Le paysage est désertique et poussiéreux. L’asphalte noir contraste tellement avec le sol ocre. Le pays est plat, je n’ai pas vu une montagne jusqu’à présent. Je vois des troupeaux de moutons et de chèvres, de rares arbres. On arrive à Touba, Assane me dit que beaucoup de gens viennent en pèlerinage ici. Toujours un Anse-Rouge modernisée, encore plus que l’autre ville. Il y a même des taxis clairement identifiés avec leur enseigne sur le toit. On s’arrête pour acheter de l’eau, on entend une sirène de police, on voit une moto style « Chips » qui nous dit de nous mettre de côté, il y a un officiel qui arrive surement. (Sweet Micky a remis la pratique en marche). Je vois trois Mercédès Benz classe S qui suivent la moto. A l’avant de la première, il y a un vieux à côté du chauffeur. C’est qui ? Je demande. C’est le grand Marabout de Touba! En plus d’avoir accès privilégié au Ciel, on profite des plaisirs de la terre en se baladant avec 3 voitures de 200 000$ chacune et sécurité policière. Un des cinq piliers de l’Islam c’est l’aumône… donc on donne de l’argent pour que le « boss » roule en voiture de luxe. Drôle d’aumône.

On passe devant la Grande Mosquée de Touba. Une immense mosquée qui s’étale sur au moins deux hectares, avec la cour en marbre jusqu’au trottoir! Se wololoy l’aumône ! Il y a bien 30 mètres entre la clôture et le bâtiment. Les 2 tours secondaires qui encadrent le minaret sont également en marbre. La voiture ne s’arrête pas mais je peux voir le luxe qui se dégage du bâtiment. Un vendredi ici avec des milliers de fidèles en train de se prosterner doit être assez impressionnant. Demain si possible on ira faire un tour à la mosquée de Mekhe.
On quitte Touba pour Thaif. Dernière « ville » avant Thiel, ensuite il n’y aura plus de route goudronnée, il faudra emprunter la piste. Thaif ressemble un peu à la Croix-des-Bouquets, c’est un peu plus coincé avec des marchandes et des commerces informels en tôle. A 1h00 on arrive à la fin de la route, on doit emprunter la piste. Khadim nous dit qu’il reste encore 100 km ! Je pensais que c’était le village à côté ! Au début, la terre est rouge, un peu comme pour se rendre à Dori, en passant par Cavaillon. (OK, OK nou pa konn wout sa a). Heureusement la piste n’est pas trop défoncée, par endroit il arrive même à faire du 100 km/h. On est obligé de mettre nos ceintures, car des fois Assoul rentre dans les crevasses et la voiture « matte » carrément ! En saison de pluie, ça doit être infernal conduire ici. C’est l’Afrique profonde, avec les lakous avec plusieurs cases en paille, il ne manque que les animaux sauvages et les chasseurs tribaux avec la lance. C’est l’idée préconçue que nous nous faisons à cause de la télé. Les villages sont plus sales et plus pauvres, les gens vont chercher de l’eau dans des puits avec des barils montés sur des charrettes. Les sachets de plastique n’aident pas non plus ! Les gens ici sont des éleveurs, on rencontre des troupeaux de bœufs, de chèvres, de moutons sur toute la route. Assane me dit que les animaux mangent l’herbe, pourtant elle est tellement jaunâtre.
Khadim semble connaitre le chemin, il dit à Asour quelle embranchement prendre. On peut se perdre facilement dans la brousse. Un peu comme dans la saline à Anse-Rouge. J’ai atterri à Pointes des Mangues une fois.
On arrive enfin à Thiel, il est 14h30 une chance que la Pajero était confortable. Thiel est un petit village pauvre, et sale. Surtout à cause des sachets de plastique. On va au centre communautaire, pour voir l’installation. Il y un bureau avec des tonnes de paperasse, je vois un cahier « quinze » où c’est marqué « registre de l’état civil ». Il y a un ordinateur portable et une imprimante et une connexion internet avec le téléphone fixe. On doit aller voir l’installation qui ne fonctionne pas. La radio communautaire ne peut pas marcher 4h00 par jour. C’est un problème de câblage, les fils sont sous-dimensionnés. On fait des tests avec la radio, ça ne tient pas parce que les batteries ne sont pas assez chargées. Le chef du village veut avoir une salle informatique, il a déjà les ordinateurs. Assane traduit, il veut savoir s’il peut mettre les ordinateurs sur le système solaire.
« Oh ! »
Tout le monde part à rire, ils ont tous compris ! Ca ne suffit même pas pour la radio et il veut rajouter 7 ordinateurs.
Mon impression sur la langue française se confirme, le chef du village est né sur la colonisation et il arrive à me parler en français, sont français est « lent » mais correcte. On prend quelques photos de groupe et on quitte Thiel à 16h20.
On repasse à travers l’Afrique profonde pour finalement arriver à Thiaf vers 18h00. On s’est perdu quelques fois, on dû demander aux villageois. On ne rentre pas dans la ville, mais à partir des minarets, je peux voir qu’elle n’est pas petite. On s’arrête pour mettre de l’essence et Adiara prends le volant.
On s’arrête à Touba, Assane veut nous montrer une installation qu’ils ont faite dans un centre de santé. Au Sénégal, il semble qu’on ne vole pas les panneaux solaires ! Aucune sécurisation, ni à Touba ni à Thiel. Le centre de santé est dans un piètre état, même chose qu’en Haïti. Sur un banc, une dame est assise avec son bébé en attendant de voir un médecin surement. Toutes les pièces donnent sur la cour centrale, chaque porte à un écriteau qui identifie la salle. On va voir le système, un réfrigérateur pour conserver les médicaments. Tout fonctionne de puis 3 ans. Je regarde une affiche à propos du ver de Guinée ! Wouch !
On est dans la même ville que la magistrale mosquée, et le centre de santé est dans un tel état ! On préfère panser les âmes plutôt que de panser les corps. En tout cas…
Sur la route qui mène à Mekhe, je ne peux m’empêcher de faire des comparaisons. En 300 km de route plus les 120 km qui séparent Dakar de Mekhe, je n’ai pas croise une seule rivière, même sèche. Et pourtant les Sénégalais ont de l’eau courante. D’ailleurs les châteaux d’eau sont visibles partout, ils ont tous la même forme : un cône inverse supporte par de colonnes à 20 mètres du sol.
Je peux voir que la décentralisation fait son chemin au Sénégal, il y a plein de bâtiments publics flambants neufs qui sont des annexes des différents ministères. Je n’ai pas vu de vieux bâtiments coloniaux abritant les services publics. Je n’ai vu que 4 panneaux de coopération internationale : AFD, USAid, Jica (Japon) et une ONG espagnole.
A 20h30 on est de retour à Mekhe, Asour et Aidara doivent continuer jusqu'à Dakar eux. On vient de faire 300 km un aller-retour en 10h ! Y compris le stop à Thiel. Même si les dirigeants sénégalais ont volé comme c’est souvent le cas dans la plupart des pays africains, au moins ils ont laissé un minimum…
Eau, route et électricité.
Je viens de réaliser que je n’ai rien mange depuis ce matin, et je pourrais encore tenir. Assane nous dit d’aller le rejoindre au restaurant, il va prendre sa moto. Bon, on est des habitués maintenant, la fille devine qu’on va prendre du poulet. Khadim est venu nous rejoindre également. Après le repas, on passe saluer Abdallah au cyber café, on ne reste pas trop, je dois rédiger le récit de la journée avant d’aller me coucher.

5 commentaires:

  1. Le recit est passionnant, je l'ai lu d'une traite! Pauvre Frantz et le fameux poulet! Bon courage!

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  2. Chapeau Jean Ronel!!! San mwen pa deplase mwen fè vwayaj lan avek Enersa.... C'est fascinant

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  3. Foto Vè Ginnen-an pa-t nesesèr... Sa-a plis sanble ak youn Vè Bizango...LOL!!!

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  4. Super ton regard. Tu notes, tu observes, tu respectes. Vraiment sympa à lire. Tu es des nôtres !!!! Vraiment. Merci

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